Ressources numériques en sciences humaines et sociales OpenEdition Nos plateformes OpenEdition Books OpenEdition Journals Hypothèses Calenda Bibliothèques OpenEdition Freemium Suivez-nous

PD La Revue, Nunatak, Black & Noir et FN-RN (lectures, mars 2025)

Format A4, couverture sur papier glacé et un titre qui claque, voici PD La Revue créée en 2018 que je découvre avec le numéro 7 « Tatas Antifas » – et j’ai raté la présentation du numéro le 20 mars à la parole errante, dommage ! Issu d’un collectif autogéré pd/trans/non binaire antifasciste, la revue PD est d’une lecture parfois agaçante et le plus souvent stimulante. Le premier article sur l’homonationalisme (les gays d’extrême-droite, joli sujet) jargonne beaucoup, beaucoup trop et c’est dommage. La cartographie qui suit, sur le même sujet, réussit à être peu lisible malgré le faible nombre de personnes épinglées. Ça s’arrange nettement par la suite avec notamment un échange passionnant avec des militant·es italien·es qui font le point sur la situation critique des trans après deux ans de Meloni, un roman photo drag vs fafs ultra kitsch, un beau poème érotique (Les meutes des folles) et des textes bienvenus sur les possible entre gestion étatique du sida et du covid. Ajoutez une virée à la première personne sur le Grindr facho, un texte contre les homos bourgeois et deux textes de fiction pour conclure : une nouvelle porno antifa trans (un peu déçu par le caractère très hétéronormé du scénario) et une petite dystopie queer antifa.

J’ai enfin pris le temps de lire le dernier numéro de l’excellent trimestriel Nunatak dont j’ai déjà parlé ici à plusieurs reprises. Au menu de ce numéro 10, l’histoire d’un hôpital psychiatrique quasi bienveillant dans les années 1940, un texte drôle, caricatural et énervé contre le tourisme de masse en Islande (et les lyonnais), un joli texte contre la notion de résilience, dix pages sur botanique et sexisme et un entretien sur des femmes qui tiennent les campagnes. Il y a également un texte de 1980 sur/contre l’alpinisme mais je n’ai pas tout compris. Et un poème enfantin pour clore ce numéro. Comme d’habitude, lecture chaudement recommandée.

Patrick Foulhous avait écrit il y a quelques années une passionnante histoire des angevins Les Thugs dont les moins jeunes se souviennent peut-être. Il récidive dans la même veine avec un ouvrage consacré à Black & Noir, émission de radio (1983-1988) puis label (1989-1999) et enfin boutiques de disques plus ou moins économiquement viables (Angers de 1988 à ?, Bordeaux 1994-1997 et Nantes de 1995 à ?). Derrière cet activisme DIY, des membres ou des proches des Thugs. Le parti pris de l’auteur est simple : donner la parole aux acteurs et aux rares actrices de ces différentes activités et illustrer abondamment le tout. On aimerait que l’auteur insiste parfois un peu plus, pose les questions qui fâchent, pointe les contradictions, enfin qu’il soit un tout petit peu plus critique qu’il ne l’est. Ça reste un joli document sur une aventure économique et musicale importante. L’ouvrage est accompagné d’un cd regroupant les singles sortis par le label en 1990-1992, ça se trouve aussi sur bandcamp.

Je ne sais pas trop pourquoi, alors que je ne vote pas, que je ne suis même inscrit sur les listes électorales, je m’obstine à lire des ouvrages sur le FN-RN. Pour avoir une idée de ce qui nous attend dans les année qui viennent ? Non, je continue à en lire parce que j’espère toujours être agréablement surpris par la justesse du regard, la finesse de l’écriture et/ou la pertinence de l’analyse. Par contre, lire pour la xième fois, « le FN c’est des nazis, c’est fondé par des nazis, c’est le mal, c’est l’allié du capital », ça m’intéresse peu. Donc le bouquin coordonné par Palheta, préfacé par Chapoutot dans son numéro anti-macroniste véner et qui se conclut par le discours électoral d’une député de la france insoumise, je n’y apprends rien et je soupire toutes les dix pages. C’est quand même un bouquin où on peut lire que démonter des éoliennes serait une « violence écocidaire » (le lobby industriel du capitalisme qui se prétend vert rigole) ou que « l’extrême droite a une esthétique : celle des runes nordiques et des croix celtiques, des crânes rasés et des bombers » (oui, en 2024).

L’ouvrage coordonné par Dahani et al. (2023), Sociologie politique du Rassemblement national, rassemble des textes issus d’un colloque de 2018. Contrairement au précédent, ce livre ne prétend pas lutter contre l’extrême droite (je n’ai pas encore lu la conclusion, j’espère que je ne m’avance pas trop), non, il donne des clés de compréhension au vote et au militantisme RN et c’est beaucoup plus intéressant. L’ouvrage jargonne par moments alors que les textes mériteraient de pouvoir être lus par le plus grand nombre. Ils n’hésitent pas à présenter des cas limites : personnes racisées dans des quartiers populaires sympathisantes du RN, profs ou gays qui y militent, liens faibles entre cathos plus ou moins intégristes et RN, etc.

Si vous suivez un petit peu l’actualité éditoriale sur le RN, vous avez forcément entendu parler du livre de Félicien Faury sorti l’année dernière, Des électeurs ordinaires. Pas des monstres, pas des nazis, pas « les heures les plus sombres de notre histoire », non, des électeurs ordinaires. Basé sur une enquête de longue durée dans le Sud-Est, le livre Faury évite à peu près tous les pièges du discours universitaire commun comme le mépris de classe ou la survalorisation du fait politique en général et du vote en particulier. On y rencontre des personnes racistes mais qui, contrairement à bien d’autres mieux loties, n’ont pas les moyens d’accéder à un entre-soi blanc (c’est beaucoup plus facile au CNRS ou à l’université) ; des électeurs qui ne se sont guère intéressés à Zemmour et n’attendent pas grand-chose de l’arrivée du RN au pouvoir ; des personnes qui aimeraient déménager vers des endroits plus agréables mais n’ont pas les moyens et qui s’inquiètent pour leurs enfants. Des personnes qui ne supportent plus les discours moralisateurs des intellectuels de gauche. Il manque me semble-t-il quelques pages sur les questions de genre mais je pinaille. Pourquoi je m’obstine à lire des ouvrages sur le FN-RN ? Parce que certains méritent d’être lus pour comprendre un peu moins mal le monde qui nous entoure et Des électeurs ordinaires en fait partie.

Et je réalise qu’une fois encore, j’ai omis de parler de Saboter un pipeline

Nunatak, revue d’histoire, cultures et luttes des montagnes, numéro 10, décembre 2024. 3 euros en librairie, prix libre ailleurs et pdf gratuit sur le site.

PD La Revue, numéro 7, Printemps 2025. Prix libre, 5 euros en librairie.

Foulhoux, Patrick. 2020. Les Thugs. Radical History. Le boulon: Éditions du layeur.

Foulhous, Patrick. 2024. Black & Noir. Enragez-vous ! Tarnos: Metro Beach.

Palheta, Hugo (dir.). 2024. Extrême droite : la résistible ascension. Paris: Éditions Amsterdam.

Dahani, Safia, Estelle Delaine, Félicien Faury, et Guillaume Letourneur. 2023. Sociologie politique du Rassemblement national. Enquêtes de terrain. Villeneuve d’Ascq: Presses universitaires du Septentrion.

Faury, Félicien. 2024. Des électeurs ordinaires. Enquête sur la normalisation de l’extrême-droite. Paris: Seuil.

Aubervilliers, le 26 mars 2025


OpenEdition vous propose de citer ce billet de la manière suivante :
Laurent Beauguitte (26 mars 2025). PD La Revue, Nunatak, Black & Noir et FN-RN (lectures, mars 2025). Espaces et radicalités. Consulté le 13 mai 2025 à l’adresse https://doi.org/10.58079/13ksl


Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *

This site uses Akismet to reduce spam. Learn how your comment data is processed.